Face au développement des investissements socialement responsables (ISR) au cours des 10 dernières années, des outils facilitant la compréhension de l’appréhension du domaine se sont développés. En ce sens, l’analyse extra-financière s’est développée, soit l’évaluation des politiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) en vue d’émettre une notation.
Plus de 125 agences de notation ESG sont recensées dans le monde. À l’instar de la notation de crédit, la notation ESG donne l’impression d’une “évaluation consensuelle tirée de faits et de chiffres fiables”.
Ces agences de notation poursuivent un double objectif, celui d’aider l’entreprise et ses dirigeants à évaluer si des actifs détenus sont sources de création de valeur à long terme et celui d’aider les régulateurs ou les employés potentiels à mieux connaître les performances sociales de l’entreprise.
Les agences de notation ESG examinent les entreprises et évaluent leurs performances en matière de durabilité en utilisant leurs propres méthodes de recherche, faisant de ces agences une référence clé pour les entreprises, les marchés financiers et les universités en termes d'évaluation de la durabilité des entreprises.
En conséquence, en plus d’influencer le comportement des acteurs du marché financier, ces agences influencent l’institutionnalisation de la gestion de la durabilité dans les entreprises. De fait, comme le rapporte Novethic, l’homogénéisation du marché semble être un enjeu pour les états, la Commission Européenne ayant pour objectif « d’étudier l’opportunité d’une modification du règlement sur les agences de notation de crédit qui imposerait à ces dernières d’intégrer explicitement les facteurs de durabilité dans leurs évaluations ».
Cependant, un appui aveugle sur les agences de notation n’est pas envisageable, ces dernières faisant des erreurs de temps à autre, de telle sorte que l’agrégation des caractéristiques peut ne pas refléter efficacement la responsabilité du véhicule en question. En théorie, les notations ESG proviennent d'évaluations d’indicateurs que chaque agence combine avec ses propres méthodes d’agrégation et de pondération pour attribuer une note globale à une entreprise. En pratique, leurs notations se basent sur une série d’appréciations subjectives et de modèles de comportement sous-jacents, menant à des évaluations significativement différentes pour une même entreprise. Les principaux problèmes des agences de notation extra-financière sont les suivants :
Le critère de Qualité
Étant donné que les données sont rapportées par les intéressés eux-mêmes, celles-ci peuvent être biaisées et par conséquent manquer de fiabilité. De fait, les données ESG ne sont pas des indicateurs financiers standardisés pouvant être vérifiés ou justifiés. Par ailleurs, cette incohérence potentielle prouve l’importance de développer un cadre de reporting et de standardisation commun pour le secteur de la finance durable et à impact.
Dans cette mesure, un rapport publié par BlackRock en 2016 a mis en exergue le manque de pertinence dont peuvent faire preuve les agences de notations ESG. De fait, le gestionnaire d'actifs y mentionne que des entreprises sujettes à des problèmes réglementaires et controverses éthiques étaient susceptibles de divulguer davantage de politiques favorables à l’ESG. Dès lors, ces entreprises, au centre de conflits éthiques, un point négatif en termes de critères ESG, pourraient obtenir un meilleur score ESG sur le simple fait qu’elles aient publié dans leurs rapports des politiques en ligne avec les demandes ESG.
Le critère de couverture
Malgré la croissance hâtive de la finance durable, ce domaine reste relativement récent. Pour les entreprises, le reporting et le développement de départements dédiés quasi exclusivement à la durabilité sont coûteux. Il s’agit de remplir des formulaires interminables, d’expliquer l’ensemble des procédures de sécurité, de recevoir la visite d’auditeurs, de subir des enquêtes chaque année sur les politiques ESG et éthiques, etc. À ce titre, seules les grandes entreprises sont capables de produire des rapports complets sur la base desquels les agences leur octroient une notation ESG favorable.
Le critère de comparabilité
Au travers des différentes agences de notation, les mesures de l’ESG sont hétérogènes. En effet, la méthodologie de chacune des agences étant différente, les notes attribuées ont donc une cohérence assez faible. Ce qui est considéré comme conforme aux critères ESG par une agence ne garantit pas une notation similaire de la part d'une autre agence. Suite à cette hétérogénéité, la corrélation entre les agences de notation ESG est particulièrement faible. Les études récentes ont démontré cette incommensurabilité des agences de notation. En effet, les notes émises par les principales agences de notation ESG ont un coefficient de corrélation de 0,493, alors que ce coefficient est de 0,964 pour la notation de crédit.
Le critère de fréquence
À travers l’ensemble des secteurs, la fréquence commune de reporting est annuelle, ce qui met en question la fiabilité de ces informations pour les évaluateurs qui nécessitent des données actualisées. De plus, cette fréquence ne prend pas en compte le retard généralement remarqué dans la publication des rapports. Par conséquent, une entreprise peut avoir une notation ESG favorable dès que son rapport a été évalué par une agence de notation compétente. Seulement, cette notation sera valable publiquement pour un an. Ainsi, si l’entreprise s’engage dans des activités non éthiques, ces manquements ne seront visibles que l’année suivante. Autrement dit, des millions d’investisseurs pourraient y placer leur argent sur base de cette notation, alors qu’à leur insu, l’entreprise ne respecte pas les politiques promises dans le précédent rapport, base de la notation ESG en cours.
Le critère de transparence
Malgré la taille et l’importance des agences de notation extra-financière, les experts s’accordent à dire qu’elles font preuve d’un clair manque de transparence. Ces agences n’offrent pas d’informations complètes et publiques quant aux critères et à la procédure de notation développée pour évaluer les entreprises en questions. D’après Thomas Wunder, expert en stratégie durable, deux des raisons possibles sont la nature commerciale du business et la demande de confidentialité de la propriété intellectuelle. De plus, une autre cause provient de l’échec des autorités réglementaires à fixer des normes adéquates pour l'alignement des données et des exigences en matière de rapport. En outre, les chiffres fournis publiés par les entreprises sont incomplets puisque celles-ci désirent se présenter au public sous leur meilleur jour.
Les critères ESG marquent un progrès dans la finance mais ne sont pas toujours représentatifs de la réalité. De plus, ils sont une mesure non financière de la santé des opérations d'une entreprise, reflétant la qualité de sa gestion. Ils sont donc utilisés quasiment exclusivement à des fins de performance financière, à la différence de l’investissement d’impact qui lui cherche à contribuer aux solutions des grands enjeux globaux, et non pas seulement minimiser leurs conséquences.