Sécurité et souveraineté alimentaire, adaptation au changement climatique, préservation des ressources... Notre alimentation a des implications très fortes tant sur les aspects sociétaux qu'environnementaux.
C'est pourquoi, dans le travail que nous avons engagé chez Kimpa pour identifier les grandes tendances qui contribuent à créer l’économie de demain, "se nourrir" est l'une des tendances profondes, de long terme, que nous avons choisies de mettre en avant.
En effet, comme nous allons le voir, les décideurs et les investisseurs ont un rôle à jouer dans la promotion de systèmes de production durables à grande échelle et dans le bon fonctionnement des marchés alimentaires.
Enjeux liés à notre alimentation
Les enjeux liés à notre alimentation sont nombreux. A elle seule, l’agriculture dépasse 4 des 9 limites planétaires et contribue fortement au changement climatique, une 5ème limite.

En effet, notre alimentation représente 23% des émissions de GES au niveau mondial (GIEC 2023), majoritairement liées à l’agriculture mais aussi au transport, aux emballages et au gaspillage.
Notre modèle agricole a aussi contribué à dégrader un tiers des sols dans le monde, ce qui pèse sur notre capacité à nous nourrir, puisque 95% de notre nourriture dépend de sols en bonne santé (Food & Agriculture Organization - UN 2022).
La bonne nouvelle, c’est que la transition de nos systèmes agricoles et alimentaires vers des modèles plus durables pourrait avoir un triple effet positif. Elle permettrait :
- de réduire nos émissions, notamment celles liées à la déforestation et aux changements d’usage des sols,
- d’améliorer les services écosystémiques tels que la biodiversité, la rétention d’eau, l’atténuation des impacts des catastrophes naturelles
- d’augmenter les marges des agriculteurs, améliorées car la production par hectare augmente tout en réduisant les coûts des intrants
La transformation de nos pratiques agricoles vient donc répondre à un problème important sur le plan environnemental et social, tout en apportant des solutions concrètes.
Dynamique du secteur agroalimentaire
Si on regarde de plus près, on voit que ce marché est en plein boom. McKinsey estime en effet que 500 milliards de dollars de valeur seront générés grâce à l’AgTech d’ici 2030, tandis que le secteur croît de quasi 20% par an (McKinsey 2020, Emergen Research).
Par ailleurs, il est estimé qu’entre 300 et 350 Milliards de dollars d’investissement sont nécessaires annuellement pour transformer notre système alimentaire (Food & Land Use Coalition 2019).
Pour les investisseurs privés, nous privilégions des modèles qui sont bénéfiques à la fois pour l’environnement et pour les agriculteurs. Pour construire un modèle durable, il est essentiel de prendre en compte les conséquences des innovations sur ceux qui nous nourrissent au quotidien. Nous évitons les projets avec des dépenses d’investissement (CAPEX) élevées, où l’avantage du produit n’est pas clairement défini et démontré.
Par exemple une ferme verticale qui a pour but de produire des aliments peu nutritifs ou avec peu de valeur ajoutée et qui aurait besoin de vendre ses produits beaucoup plus chers que les produits conventionnels pour être rentable. Attention, cela peut différer si ladite ferme verticale démontre un avantage dans son environnement - par exemple une utilisation d’eau réduite dans un contexte de sécheresse, l’utilisation de panneaux solaires pour produire l’électricité nécessaire etc.
Au-delà d’être un besoin humain de base et une solution essentielle pour lutter contre le changement climatique, l’investissement sur cette tendance peut être financièrement intéressant. Nous conseillons donc de diriger les capitaux vers 4 solutions complémentaires.
Se nourrir : quelles sont les solutions investissables pour des investisseurs privés et familiaux ?
Agriculture régénératrice
L’agriculture régénératrice vise à reconstituer les sols, à améliorer la biodiversité et à séquestrer le carbone. Elle comprend plusieurs méthodes qui ne sont pas nécessairement toutes appliquées et vont dépendre du contexte et des objectifs de production. Elles comprennent : la réduction ou l'élimination du labour, la couverture végétale pour protéger le sol, la diversification et la rotation des cultures, l'intégration du bétail, l'utilisation d'engrais naturels, les cultures pérennes, etc.
Il est possible de financer cette agriculture de plusieurs manières, en privilégiant les fonds afin de diversifier le risque et de ne pas être exposé à une seule zone géographique ou type de culture.
- En capital (equity) : via des fonds comme Tikehau Agriculture Régénératrice ou Le Printemps des Terres, qui investit sur le foncier agricole. Cependant, il faut être prêt à faire des investissements à long terme. Ces opportunités suivent le cycle du sol plutôt que le cycle de capital risque traditionnel, qui sont intrinsèquement plus longs.
- En dette : pour financer la transition des agriculteurs sans les diluer. Par exemple avec le fonds MAD Capital qui fournit du capital et des conseils pour la transition aux agriculteurs, dans le Midwest des États-Unis.

AgTech (robotique, optimisation)
Investir dans les entreprises fournissant les outils et services essentiels à une industrie, une approche connue sous le nom de stratégie "picks and shovels" (pioches & pelles), peut offrir une exposition plus stable et diversifiée à un secteur en croissance, tout en atténuant les risques associés à l'investissement direct dans les produits finaux.
Cette stratégie est inspirée de la ruée vers l'or californienne du XIXᵉ siècle, où les fournisseurs d'outils ont souvent prospéré davantage que les chercheurs d'or eux-mêmes.
Il est possible de répliquer cette stratégie dans l’agriculture et l’alimentation, notamment avec les technologies agricoles. Ce sont les outils qui vont permettre au secteur de se développer, plutôt que le secteur en lui-même. On peut investir à la fois en direct dans des jeunes pousses innovantes ou via des fonds. 3 types de technologies existent :
Les solutions logicielles (software) comme les plateformes, l’analyse de données, l’utilisation de l’IA appliquée à l’agriculture.
- Les solutions matérielles (hardware) telles que la robotique, les capteurs, les serres plus performantes énergétiquement.
- Les solutions fondées sur la nature sont aussi clés dans une économie régénérative, notamment les biostimulants, les algues, l’attraction de pollinisateurs en replantant des haies etc.

Réduction du gaspillage alimentaire
Aujourd’hui ⅓ de la nourriture produite est gaspillée (Drawdown Project). Cela représente une énorme perte en ressources (utilisation du sol, de l’eau, de la main d'œuvre etc.) pour produire des calories qui ne nourrissent personne, voire nous encombrent, car elles deviennent des déchets à traiter.
C’est le 1er levier pour réduire les GES. Réduire de moitié le gaspillage nous permettrait d’éviter 88 Gt de CO2 équivalent entre 2020 et 2050 (Drawdown Project).
Pour les investisseurs le meilleur moyen de contribuer à cela est de soutenir des startups innovantes qui digitalisent et optimisent les chaînes de valeur, comme Consentio, Stokelp ou Too Good To Go.
Végétalisation des assiettes
Enfin, la 2ème action la plus importante pour réduire les GES est de végétaliser son assiette. Pour rappel :
- Le méthane est un gaz à effet de serre qui a un pouvoir de réchauffement 28x plus puissant que le CO2. 40% des émissions de méthane proviennent de l’agriculture, principalement de l’élevage bovin (Financial Times / GIEC)
- 1 kg de boeuf nécessite l’utilisation de plus de 15 000 litres d’eau, notamment pour arroser les plantes qui alimentent l’animal
- Enfin, le constat n’est pas meilleur côté poisson. 31% des stocks sont surexploités et la pêche industrielle cause des dégâts majeurs sur l’environnement marin, liés à la pollution (chalutiers énormes, dragues de fonds marins, plastique des filets) (FAO, 2020)
Pour investir sur ce sujet, nous conseillons aux investisseurs privés :
- des startups dans les protéines alternatives
- de favoriser les modèles B2B afin de ne pas dépendre des tendances de consommation des foyers. Par exemple des entreprises qui vendent aux collectivités pour la restauration collective.
Au vu des impacts majeurs de notre alimentation sur l’environnement et la société, l’évolution de ce secteur sera une tendance de fond de ces prochaines années.
Aujourd’hui, des solutions existent, émergent et se développent, offrant autant de possibilités aux investisseurs qui souhaitent allier rendement financier et impact.

