Les océans jouent un rôle central dans l'équilibre de notre planète. Un équilibre remis en question pour les problématiques liées à la pêche. Voyons les enjeux de ce secteur et comment l'investissement peut aider à les relever.
Les océans : un écosystème essentiel
Les océans couvrent les trois quarts de la surface terrestre et sont des fournisseurs importants de ressources naturelles, notamment de nourriture, de médicaments et de biocarburants.
Ils jouent également un rôle clé dans la régulation du climat, les cycles hydrauliques et les économies de nombreux pays en voie de développement.
Valeur économique
En 2015, l’ONG World Wildlife Fund (WWF) et le Boston Consulting Group (BCG) ont estimé dans une étude conjointe la valeur du patrimoine marin à 24 000 milliards de dollars. Annuellement, le Produit Brut Marin, l’équivalent océanique du Produit Intérieur Brut des pays, est de 2500 milliards de dollars. Il se compose de la pêche et production de poissons, des transports et des services liés aux océans, notamment le tourisme.
Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) estime que l’impact économique cumulatif des mauvaises méthodes de gestion des océans équivaut à une perte de 200 milliards de dollars par an.
Aspect social
Un dixième de la population mondiale dépend des produits de la mer comme source de revenus. Le poisson et les crustacés représentent environ 20% des apports en protéines animales pour 3 milliards de personnes. Cette part monte à plus de 50% dans certains pays comme le Bangladesh, le Ghana, l’Indonésie (rapport FAO p.72)
Climat
En plus de leur importance alimentaire, les océans jouent un rôle crucial dans la régulation du climat. Ils absorbent un tiers des émissions de gaz à effet de serre, qui ne rejoignent donc pas l’atmosphère.
Cependant, l’absorption de ces GES contribue à l’acidification des océans, ce qui a un fort impact sur les écosystèmes marins et leur biodiversité.
Quels sont les principaux enjeux du développement durable liés à la pêche et au poisson ?
Les enjeux de pollution océanique
La pollution des océans a considérablement augmenté au XXème et XXIème siècle, notamment en raison du développement de la marine marchande, de l'industrialisation de la pêche et de la multiplication des plateformes pétrolières. Ces activités industrielles entraînent des rejets importants de déchets et de polluants dans les océans, menaçant directement la survie de nombreuses espèces animales.
Plusieurs sources de pollution terrestres affectent également les océans. Parmi les plus préoccupantes, les microplastiques et l'utilisation excessive de plastiques à usage unique jouent un rôle majeur. Ces déchets, souvent ingérés par les organismes marins ou les piégeant, peuvent provoquer leur mort ou entraver leur capacité à se reproduire, mettant ainsi en péril la biodiversité marine.
Parallèlement, la pêche industrielle exerce une pression énorme sur les écosystèmes marins. Cette activité intensive couvre une superficie de 200 millions de km², soit quatre fois la taille des terres utilisées pour l'agriculture. Une étude de 2016 réalisée grâce à des observations satellitaires pour Global Fishing Watch, National Geographic Society et Sky Truth constate que les navires marins ont consommé cette année-là 19 milliards de kWh d'énergie (l’équivalent de la consommation d’énergie annuelle d’environ 5 millions de foyers européens), et parcouru plus de 460 millions de kilomètres. Soit 600 voyages aller-retour entre la Terre et la Lune.
En conséquence de cette industrialisation et de la hausse de la consommation de poissons, la proportion des stocks de poissons qui se situent à un niveau biologiquement durable est passée de 90% en 1974 à 66% en 2017 (rapport FAO p.50). Les régions les plus touchées par cette surpêche sont l'Atlantique nord-est, le Pacifique nord-ouest et certaines zones au large de l'Amérique du Sud et de l'Afrique de l'Ouest.
Les enjeux de la surpêche
La pêche commerciale se divise en deux grandes catégories aux impacts environnementaux très différents :
- la pêche active : elle utilise des méthodes comme les chaluts, les dragues ou les sennes, et consiste à traîner de grands filets en forme de poche pour capturer les poissons. Si cette technique est extrêmement efficace pour récolter des quantités importantes de poissons, elle est aussi très néfaste pour les écosystèmes marins. Elle génère de nombreuses prises accessoires, appelées "by-catch" (comprenant des poissons trop petits ou d'espèces non ciblées) et provoque également la dégradation des fonds marins. Les filets raclent le fond de l'océan, détruisant les habitats essentiels à la survie de nombreuses espèces marines.
- la pêche passive : elle utilise des techniques comme la pêche à la ligne ou les casiers. Elle a un impact environnemental plus limité, car elle est plus sélective et moins intrusive. Elle est également moins coûteuse, donc plus facilement accessible aux communautés locales de petits pêcheurs. Ces techniques sont cependant moins productives, plus intensives en main d'œuvre et moins rentables.
L'impact de la pêche, en particulier la pêche active, contribue à l'épuisement rapide de nombreuses espèces de poissons, perturbant ainsi l'ensemble de la chaîne alimentaire marine. La consommation mondiale de poisson par personne a plus que doublé, passant de 9 kg en 1961 à plus de 20,5 kg en 2015 (Rapport FAO 2020 p.2).
Si cela peut sembler anodin à l'échelle individuelle, au niveau global, cela se traduit par une augmentation drastique des captures, atteignant 179 millions de tonnes de produits aquatiques en 2018, contre seulement 101,8 millions de tonnes en 1986. Cet accroissement de la demande a conduit à une surexploitation des ressources halieutiques : 31 % des stocks mondiaux de poissons et de coquillages sont désormais surexploités, un chiffre qui grimpe jusqu'à 93 % en Méditerranée.
Les enjeux liés à la pisciculture
Alors que la production halieutique stagne depuis trois décennies, la production aquacole ne cesse de croître. Sur les 179 millions de tonnes de poisson produites en 2018, 82 millions (45%) provenaient de l’aquaculture (Rapport FAO 2020 p.64)
La pisciculture, parfois perçue comme une alternative durable à la pêche sauvage, présente en réalité plusieurs problématiques environnementales. La consommation de poissons d'élevage ne protège pas toujours les stocks de poissons sauvages. En effet, ces poissons sont largement nourris avec de la farine de poissons, fabriquée en broyant des espèces marines capturées dans leur environnement naturel. Cette pratique perpétue donc la pression sur les populations de poissons sauvages plutôt que de la réduire.
Les élevages intensifs concentrent une grande quantité de poissons dans des espaces réduits, ce qui entraîne une accumulation de déjections, qui peuvent polluer les eaux environnantes et perturber les écosystèmes marins. En outre, cette densité élevée rend les poissons d'élevage particulièrement vulnérables aux maladies, comme la nécrose hématopoïétique infectieuse (NHI), qui affecte gravement les populations de saumons. L'installation de ces fermes aquacoles modifie souvent les milieux côtiers, altérant la biodiversité locale et perturbant les écosystèmes naturels.
Comment investir pour sauver les océans ?
Pour répondre à la problématique de la pollution marine liée à la pêche, plusieurs solutions sont envisageables. Parmi elles les plus pertinentes sont :
- Sur terre : générer moins de déchets et mieux gérer les déchets inévitables. Réduire, réutiliser, recycler. Éviter dans la mesure du possible l’utilisation de plastiques à usage unique et favoriser des emballages biodégradables.
- En mer : investir dans des techniques de pêche propres pour réduire l'empreinte carbone de cette industrie. Par exemple, des entreprises comme Bound4Blue, qui développe des voiles rigides pour navires, et Norwegian Electric Systems, spécialisée dans la propulsion électrique et hybride, proposent des solutions innovantes pour diminuer la consommation de carburants fossiles dans le secteur de la pêche. Ces technologies réduisent les émissions de CO₂ et contribuent à la préservation des écosystèmes marins en limitant la pollution directe liée aux opérations de pêche.
Investir pour réduire l’impact de la surpêche
Pour contrer la surpêche, nous pouvons :
- Réduire la consommation d’espèces menacées et favoriser les espèces “de saison”. C’est ce que permet notamment l’entreprise Poiscaille qui propose des casiers de la mer pêchés durablement et livrés partout en France L’IFREMER fournit également une cartographie des stocks des différents poissons consommés en France :
- Investir dans des technologies de suivi des stocks et des ressources de poisson. La surveillance des populations de poissons est l’une des solutions proposées par Pelagic Data Systems qui permet de réduire les risques de surpêche.
- Remplacer le poisson pêché ou cultivé par :
- des protéines alternatives végétales comme BettaF!sh, Save Da Sea, Hooked,
- des alternatives à base de fermentation de mycelium comme Esencia Foods, The Better Meat Co.
- du faux poisson à base de cellules cultivées - qui ne sont pour le moment pas autorisées à la commercialisation dans l’Union Européenne - telles que celles développées par Avant, Blue Nalu.
- Favoriser la pêche durable, qui consiste à utiliser des méthodes de pêche qui ne dégradent pas la capacité de reproduction des espèces de poissons menacées afin de ne pas endommager l'écosystème. Les produits de la pêche durable peuvent provenir de la pêche en mer, de la pêche continentale, de la pêche côtière, de la pêche à la ligne, mais aussi de l'aquaculture. Le Marine Stewardship Council utilise 3 critères :
- L'état des stocks de poissons : assurer la pérennité des stocks
- La minimisation de l’impact environnemental, notamment sur les autres espèces de la faune et la flore
- Les systèmes de gestion de la pêche : les règles et procédures mises en oeuvre par les entreprises et pêcheries
Investir dans la pisciculture
Malgré les inconvénients cités ci-dessus, l’aquaculture - si elle est pensée et exécutée durablement - reste une manière efficace en ressources pour produire des protéines. Elle peut aider à réduire la pression sur les océans, la surpêche et les risques liés à la pollution et au changement climatique, tout en limitant l’usage de terres, d’eau douce et avec une faible empreinte carbone.
Les solutions envisagées sont la substitution des farines de poisson qui sont utilisées comme nourriture pour les poissons d’élevage par des alternatives plus durables telles que des algues, des farines végétales ou d’insectes. C’est la mission que s’est donnée BioFeyn. Le fonds d’investissement Aqua Spark investit et accompagne des entreprises innovantes dans le secteur de l’aquaculture.
Les systèmes d’aquaponie, qui combinent la production de poisson ou crustacés et de plantes, permettent une utilisation réduite d’intrants et d’eau. Quelques exemples en France : eauzons, Agriloops, Les Nouvelles Fermes.
Pour conclure
Comme tous les secteurs, l’industrie halieutique est affectée par les évolutions sociétales et environnementales. Face à la pollution des océans et à la surpêche, elle doit se réinventer et la pisciculture n’est pas toujours une solution parfaite.
La pêche et la durabilité de la vie aquatique sont un vaste sujet pour lequel l’investissement à impact peut être catalytique et faire passer à l’échelle des solutions innovantes. Il est essentiel pour les investisseurs de définir une thèse d’investissement précise, avec des critères d’impact et financiers adaptés à leurs objectifs, pour déployer leur capital vers des projets à forte additionalité dont l’impact sera mesurable dans le temps.
Pour les startups et PME qui contribuent au quotidien à ces solutions, ouvrir son capital à un investisseur à impact privé ou industriel permet d’accélérer son développement et de maximiser son impact social et environnemental.