Le modèle des 9 limites planétaires (planetary boundaries) est publié en 2009, dans les revues Nature et Ecology and Society. Il a été établi par une équipe internationale de 26 chercheurs, menés par Johan Rockström du Stockholm Resilience Centre et Will Steffen de l'Université Nationale Australienne.
Ce modèle identifie 9 seuils que nous ne devons pas franchir si nous souhaitons continuer à nous développer dans des conditions favorables. C’est-à-dire, en évitant les modifications brutales, non-linéaires, difficilement prévisibles, et potentiellement catastrophiques de l’environnement comme le furent en 2021, la tempête de neige Filomena à Madrid ou encore le dôme de chaleur suivi d'incendies en Colombie-Britannique, au Canada. Ce nouveau modèle de mesure de l’empreinte écologique des hommes servira par la suite à caractériser l’anthropocène* ou encore l’économie du Donut**.
Dans cette série d’articles, nous aborderons une à une chaque limite, nous expliquerons ses enjeux et proposerons des solutions à travers l'investissement. La 9ᵉ de ces limites est l’extinction de la biodiversité.
L’extinction de la biodiversité sur la place publique
La biodiversité, contraction de biologique et de diversité, décrit la diversité des écosystèmes, des êtres vivants et la diversité génétique au sein d’une espèce. L'érosion de la biodiversité représente, d’une part, une réduction de la diversité des écosystèmes habitables par le vivant, et d’autre part, une réduction du nombre d’espèces vivantes et de la densité de population au sein de chaque espèce, engendrant un appauvrissement de la diversité génétique.
Depuis la formation de notre planète, 5 extinctions massives de biodiversité se sont déjà produites, la dernière datant de plus de 65 millions d’années. Beaucoup d’hypothèses se confrontent pour expliquer ces différents épisodes. Les plus probables mettent en avant, une période de glaciation, un effondrement de la couche d’ozone, la chute d’une comète, une activité volcanique majeure, ou encore une augmentation brutale de la concentration de méthane et de CO2 dans l’atmosphère.
Concernant la 6ᵉ extinction de masse, la communauté scientifique s’accorde sur une unique explication : les activités humaines. La WWF a d’ailleurs créé un indicateur suivant plus de 20 000 populations de près de 4 000 espèces depuis 1970, celui-ci montre une perte de biodiversité au sein de cet échantillon de plus 68%.
Selon l’équipe à l’initiative des limites planétaires, le taux d’extinction doit rester inférieur à 10 espèces par an sur 1 million. Aujourd’hui, le taux est 100, voire 1000 fois supérieur à celui-ci et 10 000, voire 100 000 fois supérieure au taux d’extinction naturel, c'est-à- dire avant que les activités humaines deviennent la cause de l’érosion de la biodiversité.
Enfin, bien que la tendance pousse à croire que ces problèmes touchent uniquement les territoires tropicaux, l’union internationale pour la conservation de la nature rappelle que 1 301 espèces menacées à l'échelle mondiale sont présentes sur le territoire français. En France métropolitaine, cela représente 15% des orchidées, 14% des mammifères, 24% des reptiles, 23% des amphibiens, 32% des oiseaux nicheurs, 19% des poissons et 28% des crustacés d’eau douce qui sont menacés d’extinction.
S'il est évident que les activités humaines ont un impact fort sur la biodiversité, il est important de comprendre quels sont les facteurs principalement mis en cause dans la destruction de celle-ci. Ils sont au nombre de 5 et reposent tous sur le franchissement des autres limites planétaires.
Les 5 causes d’extinction
La surexploitation de la biodiversité
Une des causes d’extinction est la surexploitation de la biodiversité. Cette année, le jour du dépassement avait lieu le 29 juillet, cela signifie qu’en 209 jours, soit 6 mois et 28 jours, l'humanité a dépensé l'ensemble des ressources que la Terre peut régénérer en un an. À titre d’exemple : plus de 55 % de l’océan est exploité par la pêche industrielle. En 2015, plus d’un tiers des stocks de poissons ont été pêchés au-delà de leurs limites biologiques. La surexploitation des ressources, c’est-à-dire au-delà de leur seuil de renouvellement, participe fortement à l’érosion de la biodiversité et à la destruction des habitats.
Modification des habitats
La modification des habitats est l’un des enjeux majeurs lorsqu’on parle de biodiversité. L’acidification des océans, par exemple, est une cause directe du réchauffement climatique. Cela a pour impact d'augmenter la solubilité des coquilles de nombreux animaux marins, comme celle du homard ou certains types de plancton. Cela rend les coquilles plus sensibles aux effets corrosifs des océans. La déforestation entraîne également une destruction des habitats naturels. Ce sont plus de 80 % de la biodiversité terrestre qui est menacée par ce phénomène. Enfin la déforestation a également un effet de déstockage du carbone des sols, contribuant positivement au réchauffement climatique.
Changements climatiques
D’après le 6e rapport du GIEC (1er groupe de travail), le réchauffement actuel est évalué à +1,09 °C. Cela implique que le climat se dérègle, avec des épisodes de fortes chaleurs, fortes précipitations, ou sécheresses plus intenses et plus fréquents. De même, la température de l’océan a évolué de +0,88 °C alors qu’un réchauffement climatique supérieur à 2 °C d'ici à la fin du siècle signifierait la perte de tous les récifs coralliens. Le réchauffement climatique a un effet néfaste vis-à-vis de certaines espèces, mais offre des conditions de développement favorables à d’autres.
Espèces envahissantes
Dans toutes les espèces, certains individus quittent leurs zones natives. Avec le réchauffement climatique, des endroits anciennement hostiles deviennent accueillant, favorisant la prolifération d’espèces invasives. De plus, les mouvements humains favorisent les déplacements d’espèces. On prendra l’exemple d’un champignon parasite, un chytride, qui transporté à bord des camions ou sous les semelles de nos chaussures aura causé la disparition massive des amphibiens.
Pollutions
Enfin, le dernier facteur est la pollution dont on peut distinguer 3 types :
- Les micropolluants dont certains ont la particularité d’agir comme des perturbateurs endocriniens, c’est-à-dire de perturber ou d’imiter les actions des hormones affectant la reproduction de certaines espèces de poissons.
- La pollution à l’azote et au phosphore qui cause le processus d’eutrophisation, l’accumulation de nutriments dans un milieu (principalement les lacs, étangs et océans) et qui favorise la prolifération des organismes végétaux tels que les algues ou le phytoplancton.
- La pollution aux antibiorésistants qui est engendrée par le déversement dans l’environnement d’agent permettant la lutte contre les bactéries. Une étude à l’échelle mondiale prévoit que si nous ne changeons pas nos pratiques à l’horizon 2050, se seront plus de 10 millions de personnes qui pourraient mourir chaque année des conséquences de l’antibiorésistance (O’Neill Commission, 2014).
Les solutions
Des solutions existent pour contribuer à renverser cette limite grâce à l’investissement. Pour ralentir l'érosion de la biodiversité, il est primordial d’agir sur les 5 causes d’extinction. La première mesure pourrait être de choisir ses investissements en excluant toutes celles impliquées dans la déforestation grâce à l’indice de Forest 500. Il est aussi intéressant de favoriser l'agroforesterie pour éviter les différents types de pollution et l’épuisement des ressources avec ReNature, une entreprise qui accompagne les entreprises et les agriculteurs vers une agriculture régénérative. La startup Endangered Wildlife OU a développé une technologie tech4good qui permet de calculer la valeur économique d’une espèce dans un lieu donné. Leur outil valorise les mammifères, oiseaux, reptiles, insectes, plantes et araignées en mesurant leur impact sur l’absorption de carbone, leur valeur esthétique / touristique, et leur valeur financière afin de permettre aux développeurs immobiliers, exploitants agricoles et autres secteurs de maximiser leur rentabilité globale, en prenant en compte la valeur de la biodiversité locale.
ll est désormais possible d’exiger plus des investissements qu’un rendement ajusté à un niveau de risque. En ce sens, la finance à impact laisse entrevoir de nouvelles perspectives et de nouvelles opportunités afin d'avoir un impact positif sur le monde en contribuant par exemple à renverser cette limite planétaire.
Avec cet article, nous avons abordé l'érosion de la biodiversité, nous avons expliqué son fonctionnement global, sa cause, les activités humaines et ses conséquences imprévisibles et potentiellement dévastatrices. Il fait partie de la série “Les limites planétaires” qui explore les 9 seuils que nous ne devons pas franchir si nous souhaitons continuer à nous développer dans des conditions favorables. La semaine prochaine, nous aborderons l'économie du doughnut.
Si vous souhaitez en savoir plus pour contribuer à cette limite planétaire par l'investissement, prenez contact avec l'équipe Kimpa :
* Anthropocène : Une nouvelle époque géologique qui se caractérise par l’avènement des hommes comme principale force de changement sur Terre, surpassant les forces géophysiques.
** Economie du donut : Ce modèle économique combine le concept de limite planétaire avec celui de frontières sociales. Il propose de considérer la performance d'une économie par la mesure dans laquelle les besoins des gens sont satisfaits (plafond social) sans dépasser le plafond écologique de la Terre.